Une société civile ancienne immatriculée après la date limite devient une personne morale nouvelle

Une société civile ancienne non immatriculée au 1er novembre 2002 perd sa personnalité morale et ses biens sont transférés aux associés. Si l’immatriculation est postérieure, une nouvelle personne morale naît et un nouveau transfert des biens à la société est nécessaire.

Toute société civile constituée avant 1978 qui n’a pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) avant le 1er novembre 2002 a perdu sa personnalité juridique et est soumise aux règles applicables aux sociétés en participation.

La Cour de cassation vient de juger que la perte de la personnalité morale entraîne le transfert des biens qui composent son actif social aux associés et que l’immatriculation de la société postérieure au 1er novembre 2002, qui ne fait pas disparaître rétroactivement la période pendant laquelle la société a été dépourvue de la personnalité morale, implique un nouveau transfert des biens sociaux des associés vers la société immatriculée, qui constitue une nouvelle personne morale.

Par suite, elle a censuré l’arrêt qui avait déclaré recevable l’action formée à l’encontre de ses associés par une société civile immobilière (SCI) constituée en 1964 et immatriculée en janvier 2003 et tendant au paiement de charges relatives à des biens immobiliers ayant composé l’actif de la SCI ; la cour d’appel avait jugé à tort que le défaut d’immatriculation de la SCI entre le 1er novembre 2002 et la date de son immatriculation n’entraînait pas sa dissolution ni la perte de son patrimoine, qui restait régi entre les associés par le pacte social, les règles de l’indivision ne s’appliquant que dans les relations avec les tiers.

À noter : Les sociétés civiles (de même que les sociétés coopératives et certains groupements) constituées avant le 1er juillet 1978 bénéficiaient d’une dérogation en vertu de laquelle elles conservaient leur personnalité morale même si elles n’étaient pas immatriculées. Cette dérogation a été supprimée et ces sociétés devaient procéder à leur immatriculation avant le 1er novembre 2002 (Loi 2001-420 du 15-5-2001 art. 44).

Faute pour la société d’avoir été immatriculée avant cette date, elle perdait sa personnalité morale, ce qui n’entraînait pas sa dissolution mais sa requalification en société soumise au régime des sociétés en participation (Cass. 1e civ. 6-1-2021 no 19-11.949 et Cass. 1e civ. 6-1-2021 no 19-18.948 ; Rép. Levy : AN 21-10-2002 no 1074 ; Circ. 26-12-2002 : BOMJ 2002/88 p. 31).

À notre avis, et ceci n’est pas remis en cause dans la présente affaire, les sociétés qui ont perdu leur personnalité morale faute d’immatriculation avant le 1er novembre 2002 peuvent encore être immatriculées (dans le même sens, voir également Rép. Marleix : AN 30-6-2003 no 16044). Une circulaire du ministère de la justice a d’ailleurs invité les greffiers chargés de la tenue du RCS à procéder aux immatriculations de ces sociétés quelle que soit la date du dépôt de la demande et à suivre la procédure d’immatriculation prévue en matière de constitution de société nouvelle (Circ. 26-12-2002 précitée).

L’intérêt du présent arrêt est de préciser que l’immatriculation de la société civile intervenue après le 1er novembre 2002 n’a pas pour effet de redonner sa personnalité morale à la société mais uniquement de créer une personne morale nouvelle. Il avait déjà été jugé dans le même sens qu’une société civile non immatriculée à cette date ne pouvait pas être transformée en une société immatriculée au Luxembourg dès lors que cette société, qui avait perdu sa personnalité morale, ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 1844-3 du Code civil selon lesquelles la transformation d’une société en société d’une autre forme n’entraîne pas création d’une personne morale nouvelle. Il n’y avait donc pas transformation de la société mais création d’une personne morale nouvelle (Cass. com. 7-1-2014 no 11-25.635).

L’absence de continuité de la personnalité morale de l’ancienne société civile a d’importantes répercussions s’agissant des biens qu’elle détenait. Rappelons en effet que, la société civile non immatriculée avant la date limite étant soumise aux règles applicables aux sociétés en participation, elle ne peut pas avoir de patrimoine social, de sorte que le patrimoine dont elle était propriétaire au 1er novembre 2002 a été transféré aux associés, qui le détiennent en indivision (en ce sens, Rép. Philip : AN 3-3-2003 no 9579 ; Rép. Mouly : Sén. 6-3-2003 no 4879).

L’immatriculation de la société donnant lieu à la création d’une personne morale nouvelle, il ne peut donc pas y avoir un transfert automatique du patrimoine détenu par les associés à la société immatriculée. Ce patrimoine demeure donc, sauf cession ou apport à la société immatriculée, la propriété des indivisaires. La société n’étant pas propriétaire de ces lots, la cour d’appel aurait dû déclarer irrecevable son action à l’encontre de ses associés pour défaut du droit d’agir (CPC art. 32).

Cass. 3e civ. 21-12-2023 n° 20-23.658

© Lefebvre Dalloz


 

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