Le droit à congés payés des salariés a évolué

Par plusieurs décisions rendues le 13-9-2023, la Cour de cassation a mis en conformité le droit français en matière d’acquisition et de report de congés payés avec le droit européen.

Acquisition de congés payés en cas d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle

Le salarié a droit à un congé payé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur (C. trav. art. L 3141-3). S’il est en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, il n’acquiert pas de jours de congés payés durant son arrêt de travail, car les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle ne sont pas considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé (C. trav. art. L 3143-5).

 

Principes du droit européen. En application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (UE) (art. 31, § 2) et de la directive 2003/88/CE du 4-11-2023 (art. 7), la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) considère que le droit à congé payé annuel n’est pas affecté en cas d’absence du salarié pour raisons de santé au cours de la période d’acquisition des congés payés, car le droit européen ne fait aucune distinction entre les salariés absents du travail en raison d’un congé de maladie (professionnelle ou non) pendant la période d’acquisition des congés payés et ceux ayant effectivement travaillé au cours de cette période (CJUE 20-1-2009 aff. C-350/06 et 24-1-2012 aff. C-282/10).

 

Mise en conformité du droit français. À l’occasion d’un litige prud’homal portant sur des demandes de jours de congés payés que des salariés estimaient avoir acquis pendant la suspension de leur contrat de travail en raison d’un arrêt de travail pour maladie, la Cour de cassation a écarté partiellement l’application des dispositions de l’article L 3141-3 du Code du travail pour non-conformité au droit européen, car elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congés payés par un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un arrêt de travail pour maladie non professionnelle et a jugé que ce salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période (Cass. soc. 13-9-2023 nos 22-17.340 à 22-17.342).

Acquisition de congés payés durant un arrêt de travail pour accident du travail au-delà de un an

Lors d’un autre litige prud’homal où un salarié victime d’un accident de travail a réclamé un rappel d’indemnité de congés payés au titre de son arrêt de travail d’une durée de plus de un an, la Cour de cassation a écarté l’application des dispositions de l’article L 3141-5, 5° du Code du travail pour non-conformité au droit européen (Charte des droits fondamentaux de l’UE et directive 2003/88/CE du 4-11-2023), car elles limitent à une durée ininterrompue de un an les périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congés payés et a jugé que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés pour la totalité de cette période (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-17.638).

 

Point de départ de la prescription d’une demande d’indemnité de congés payés

 

En s’appuyant sur la jurisprudence européenne (CJUE 22-9-2022 aff. C-120/21), la Cour de cassation  a déclaré que lorsque l’employeur oppose la prescription de 3 ans de l’action en paiement de l’indemnité de congés payés, le point de départ du délai de prescription de cette indemnité doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, à condition que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-10.529).

Report des congés payés non pris avant un congé parental d’éducation

Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait qu’un salarié qui partait en congé parental d’éducation sans avoir pris tous ses congés payés acquis en perdait le bénéfice s’il revenait après la fin de la période de prise des congés, et n’avait pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés (Cass. soc. 28-1-2004 n° 01-46.314). Cette position était contraire au droit européen qui a posé comme principe que les droits à congés payés acquis ou en cours d’acquisition par le salarié à la date du début du congé parental sont maintenus en l’état jusqu’à la fin de ce congé, et ces droits s’appliquent à l’issue du congé parental (directive 2010/18/UE du Conseil du 8-3-2010 ; CJUE 22-4-2010 aff. C-486/08).

 

Nouvelle position de la Cour de cassation. En se conformant au droit européen, la Cour de cassation a déclaré que, selon les articles L 3141-1 et L 1225-55 du Code du travail, lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental d’éducation, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail (Cass. soc. 13-9-2023 n° 22-14.043).

 

Sources : Cass. soc. 13-9-2023 nos 22-17.340 à 22-17.342, n° 22-17.638, n° 22-10.529 et n° 22-14.043.

© Lefebvre Dalloz


 

Rechercher